[ 2008 ] CHESSA Milena

  • AUTHOR: almatoya
  • 28/08/2018
[ 2008 ] CHESSA Milena

Frédéric Auclair, président de l’Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF), dont le congrès quadriennal s’est déroulé à Bordeaux du 4 au 6 décembre, répond aux questions du Moniteur.

Moniteur : Que représente votre association et comment évolue votre profession ?

Frédéric Auclair : Nous avons eu 380 inscrits pour ce colloque et la volonté de travailler au quotidien sur ce thème d’aménagement durable et du patrimoine. La moitié des 450 architectes et urbanistes de l’Etat, recrutés par concours, travaille dans les Services départementaux de l’architecture et du patrimoine (Sdap). Depuis 3-4 ans, une série de décrets révolutionne le ministère de la Culture. Pour la direction des affaires culturelles, la perte de la maîtrise d’ouvrage sur les monuments historiques classés en 2005, a été une révolution, parce que c’était un des moyens de contrôle sur les Monuments historiques. Au quotidien, cette perte, même si elle s’accompagne d’un contrôle scientifique et technique, limite notre capacité réelle à conduire les chantiers.

Moniteur : Comment ressentez-vous la fin des monopoles des ACMH et des ABF sur les monuments historiques ?

Frédéric Auclair : La réforme générale de l’urbanisme d’octobre 2007, a conduit pour les Monuments historiques classés à entrer dans une logique de normalisation du régime d’autorisation de travaux, déposés dans les services départementaux d’architecture et du patrimoine (Sdap) et instruits par le préfet de région et par délégation, la Drac.
En parallèle, dans un contexte européen, le ministère de la Culture s’est vu invité à réformer un système de monopole des Architectes en chef des Monuments historiques (ACMH) pour des travaux de restauration, et des ABF pour les travaux d’entretien. Nous estimons que la mise en concurrence des ACMH entre eux et l’ouverture à la maîtrise d’œuvre étrangère fragilise le décret. Les architectes du patrimoine, diplômés de l’école de Chaillot ont d’ailleurs attaqué ce décret.
Pour nous, le ministère de la Culture, qui s’est construit sur des compétences métiers, est en train de fragiliser ces compétences en son sein. Enfin, l’abandon de la possibilité de cumul, depuis 2004, d’une pratique libérale avec les fonctions d’ABF, nous pose la question du maintien d’une capacité de maîtrise d’œuvre de service qui nous semble essentielle pour mener à bien des chantiers complexes sur les monuments historiques.

Moniteur : Comment êtes-vous recrutés ? 


Frédéric Auclair : Le concours d’architectes et urbanistes de l’Etat – prochain concours du 27 au 29 janvier 2009 – présente deux options : aménagement et patrimoine. Dans la première, on trouve les fonctionnaires du Meeddat. Les ABF proviennent en majorité de l’option patrimoine, et relèvent du ministère de la Culture. C’est d’ailleurs le seul corps d’Etat qui conserve le titre d’architecte : il est pour nous une reconnaissance de nos métiers et la preuve que l’on peut être créatif au sein d’une administration.

Moniteur : Vous avez perdu certains de vos moyens ? 
Frédéric Auclair : D’abord par la réforme de l’urbanisme, la maîtrise d’ouvrage exclusive sur les Monuments historiques. Ensuite, par la loi SRU, la possibilité de cumul d’activités libérale et publique de l’ABF sur le département. Enfin, la baisse des budgets d’Etat en général, y compris des subventions du ministère de la Culture, représente pour nous la perte du contrôle d’une subvention qui est là pour financer la qualité particulière des travaux, avec une maîtrise d’œuvre et une main d’œuvre particulières. La subvention détermine la possibilité pour nous d’avoir des choix sur le chantier.

Moniteur : Que demandez-vous en tant que professionnels des monuments et du patrimoine ?

Frédéric Auclair : Il faut revenir aux fondamentaux de ce qu’est un service départemental d’architecture et du patrimoine. Nos missions définies par le décret de 1979 portent à la fois sur les Monuments historiques, les secteurs protégés, la législation des sites inscrits et classés, la qualité architecturale. Elles sont désormais séparées par ministère. Or, les Sdap ne rentrent pas facilement dans cette logique de la Lolf (la loi organique relative aux lois de finances, ndlr), parce que leurs missions dépassent le cadre budgétaire d’un seul ministère. Nous attendons depuis trois ans les décrets de rapprochement entre Drac et Sdap, qui posent la question de la réforme des Drac, et de cette double filiation (préfet et Drac) de missions qui ne relèvent pas du même ministère. En tant qu’association, nous demandons le maintien de la totalité de ces missions. Qu’elle soit effectuée pour le compte du Meeddat, ou du ministère de la Culture et de la Communication, ou des deux, l’essentiel, est que cette mission soit réalisée. Elle est légitime dans un pays souvent nommé en exemple, mais où la dérégulation sur des territoires moins bien protégés, comme les sites inscrits, fragilise notre système de protection.



Moniteur : Il faut, dites-vous, sortir de la caricature à propos des ABF. Quelle évolution des comportements attendez-vous ?

Frédéric Auclair : Notre deuxième journée de débat, mais aussi les visites à Bordeaux rive droite ou sur les quartiers plus anciens de Talence nous ont permis de sortir des schémas de pensées tout préparés. Alain Maugard nous rappelant que la normalisation permet de comprendre, pas de régler toutes les questions. Sur la performance énergétique des bâtiments, par exemple, on ne peut tout résoudre par des peaux extérieures, alors que les solutions intérieures existent. Les solutions nordiques présentées, montrent que l’on peut et doit traiter le panneau solaire comme un élément d’architecture en tant que tel. Pas seulement comme un accessoire posé sur un toit. Les allemands disposent de teintes de panneaux solaires qui se marient parfaitement avec les toitures en zinc. Il faut sortir de la caricature de l’ABF qui interdit la pose des panneaux. Et peut-être aussi, se poser la question du collectif : dans le Nord, il existe des solutions de chaufferies, de buanderies communes, qui règlent la question de pose de ventouse individuelle de chaudière sur une façade du XVe siècle. Il faudrait retrouver cette dimension collective en France.

Propos recueillis par Bertrand Escolin, bureau de Bordeaux du Moniteur

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